Mathydy, c’est la combinaison des prénoms de deux jeunes Sénégalais Mathy Lô et Idrissa Niane. Respectivement titulaire d’une licence en gestion et comptabilité, et d’un master en télécommunication, le couple a une conviction : « les Africains ont tout le potentiel pour se lancer à la conquête du monde. » Avant que le coup de foudre n’ait raison d’eux, Mathy avait acquis une forte expérience dans la gestion de personnels et développé des habiletés en geste et expérience client dans le système bancaire. Idrissa lui, était plutôt un véritable globe-trotter, qui a beaucoup voyagé à travers l’Afrique sur des projets internationaux pour Alcatel-Lucent. Ensemble, ils investissent dans Mathydy pour en faire la marque de montre de référence Africaine, à l’échelle internationale.
Magazine InAfrik : Pouvez-vous nous raconter la petite anecdote ayant valu la création de Mathydy ?
Idrissa Niane : Au début, c’était une question d’amour (rire). Nous nous sommes rencontrés à Dakar durant des vacances et nous sommes tombés amoureux. Un mois plus tard, nous nous sommes mariés (rapide hein). À l’époque, je faisais encore le tour du monde avec Alcatel et Mathy avait une passion folle pour les bijoux et accessoires de mode. A partir de là, elle a décidé de créer la marque Mathydy qui est la combinaison de nos deux prénoms : Mathy et Idy.
De l’idée de projet à la création d’entreprise, comment avez-vous fait le chemin ?
Le chemin a été long car au début ce n’était qu’une page Facebook avec des idées plein la tête. Un jour de 2014, Mathy avait fait la remarque qu’à Dakar, il n’y avait pas de boutique spécialisée exclusivement dans les bijoux. Alors, l’idée était d’en ouvrir et de proposer des bijoux importés, simples mais raffinés qui pourraient intéressés les jeunes et les adultes. Nous l’avions financée avec nos propres économies, un peu plus de 2 millions Fcfa (local, rénovation et bijoux compris). Au début, les ventes couvraient à peine de quoi payer le loyer du magasin ainsi que les salaires de notre vendeuse. On ne se versait pas de salaire mais on continuait à y croire. Plusieurs mois plus tard, les ventes ont commencé à décoller.

Mathydy | Mathy Lô et Idrissa Niane
Mais on ne faisait pas la fête, nous avions plutôt choisi de réinvestir tout le bénéfice en diversifiant les produits, mais en restant toujours dans les accessoires de mode. Et c’est là où nous est venue l’idée de lancer notre propre ligne de montre avec la marque Mathydy. La raison était simple, nous avions remarqué que les fausses marques de montres pullulent en Afrique et que les originales coûtent excessivement chères. De même, aucune d’entre elles n’est Africaine, alors nous avons étudié comment la plupart de ces grandes marques font et nous l’avons adapté avec nos propres créations en prenant soin de créer un nouveau style qui va au-delà d’une simple montre. Nous faisons de l’art avec du design Africain.
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Quelle différence faites-vous entre Mathydy marque et Mathydy entreprise ?
Actuellement, la marque Mathydy est plus connue à travers nos montres au style minimaliste avec ou sans design Africain. Sa particularité est de proposer des produits simples et de très bonne qualité et comme on le dit en Anglais « Less is More ». Quant à l’entreprise Mathydy, elle est aussi propriétaire de TaKaii (qui veut dire bijoux en wolof) qui commercialise plus des bijoux traditionnels en plaqué or pour nos mamans, les grandes Dames d’Afrique (lol). Au Sénégal, les Boubous Bazin ont vraiment la cote, alors il fallait trouver des bijoux assez « majestueux » pour aller avec.
Mais surtout l’entreprise est une famille qui met avant tout l’humain au cœur de notre activité. Personne ne fait la différence entre le propriétaire et l’employé. Les moments où les ventes sont au top, tous nos collaborateurs obtiennent systématiquement des bonus en plus de leurs salaires. Après tout, à quoi bon de travailler fort si on y trouve pas son compte ? Nous avons aussi mis en place un modèle d’affaire orienté digital (basé autour des réseaux sociaux et de notre site web) qui nous donne plus de flexibilité et nous permet de gérer le business n’importe où dans le monde, pour être en mesure d’être hyper réactif et de permettre aussi aux clients de faire leurs achats depuis chez eux.
Quelle plus-value apportez-vous grâce à Mathydy, et qui vous démarque des célèbres marques existant déjà sur le marché ?
D’abord, toutes les montres sur le marché se ressemblent alors que Mathydy est différente par son design unique et sophistiqué. Nous avons donné à nos montres, une âme et une identité dont chacune d’elle raconte une histoire. Ensuite, la qualité et le luxe ne doivent pas ruiner. Toutes nos montres sont en acier inoxydable et chacune d’elles passe un test de qualité, selon des procédés très rigoureux. Ce qui nous permet d’offrir une garantie de 2 ans. Nous avons aussi enlevé tout intermédiaire et tout budget marketing excessif afin de proposer des prix raisonnables.
La plupart des marques vendent plus le marketing que le produit. De plus, nous sommes la seule marque Africaine créatrice d’emplois sur le continent à s’attaquer au marché de l’horlogerie internationale et nous sommes convaincus que la meilleure chose que nous puissions offrir au monde, c’est d’être nous-mêmes. Ajouté à cela, une personne peut rester avec la même montre pour toutes ses tenues. Nous proposons de changer le look de leurs montres Mathydy autant de fois qu’ils le souhaitent, avec nos bracelets interchangeables. Après tout, nos montres sont les plus belles au monde (rire).
A part les montres « Mathydy classique », qu’est-ce qui vous a inspiré les « Mathydy Royalty » et quelles en sont les variétés ?
La création des montres de la collection Royalty était plein d’émotions car elle rend hommage aussi bien aux artisans Africains avec le style Bogolan, mais aussi à nos vaillants rois et reines qui se sont illustrés et se sont investis corps et âme pour donner à l’Afrique, son rayonnement d’antan. Aussi, ne voulions-nous pas forcément mettre du wax. C’est beau, mais les motifs du bogolan nous donnent un style architectural de l’Afrique ancienne unique, qui s’incorpore parfaitement avec les lignes de nos montres. La création de ces montres était très amusante car c’est comme si on s’était mis dans le corps et la tête d’un designer. On y a pris beaucoup de plaisir. La Collection Royalty est disponible en deux modèles, un pour femmes plus coloré et un autre pour homme, un peu plus discret.

Collection de montre MATHYDY
Combien d’accessoires de mode confectionnez-vous en moyenne par mois et quel chiffres d’affaires mensuel faites-vous ?
Plus d’une centaine. Ce que je peux vous dire concrètement est que nous sommes passés de 50 000f Cfa/jour à 900 000f Cfa/jour de vente sur certaines périodes. On se rapproche de notre objectif de 1 million f Cfa/jour et nous espérons ne plus en redescendre. A la fin de l’année, on en saura davantage. On grandit et on grandit vite.
Quel est aujourd’hui le taux de pénétration de Mathydy au Sénégal et dans les autres pays africains ? Quels sont vos différents points de distribution/livraison ?
Depuis le lancement de la collection Royalty, nous avons plus que doublé le nombre de ventes au Sénégal. Dans le reste de l’Afrique, chaque jour, nous avons de nouveaux clients surtout en Côte d’Ivoire. Mais l’un des pays qui enregistre une très forte croissance des ventes internationales est la France. Pour le Sénégal, nos boutiques sont à Dakar et pour tout le reste du monde, les ventes se font en ligne sur www.mathydy.com/fr. Nous livrons aussi partout dans le monde avec des partenaires comme Outalma, une start-up Sénégalaise et DHL.

Mathydy les montres d’origine Africaine
Aviez-vous la fibre entrepreneuriale ou c’est juste une improvisation aboutie ?
Mathy et moi aimions vendre des choses bien avant qu’on ne se connaisse, mais cela ne veut pas dire que tout était gagné dès le départ. Il nous a fallu travailler et beaucoup apprendre pour en arriver là, et d’ailleurs on continue toujours à apprendre.
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« La meilleure chose que nous puissions offrir au monde, c’est d’être nous-mêmes » : est-ce une façon de revendiquer votre africanité ou amener les africains à consommer local ?
Cette expression va bien plus au-delà de l’aspect consommation seulement. Lorsque nous le disons, c’est plus dans le cadre de la production. Aucune communauté ne s’en est sortie en ne faisant que consommer. Il faut aller à la conquête du monde, tout en gardant notre identité Africaine. S’il nous manque de l’expertise, allons collaborer avec d’autres, il n’y a pas de honte à cela. Tout le monde le fait ; allons même jusqu’en Sibérie pour chercher une expertise, nous l’approprier mais l’âme même du business reste Africaine.
Mathydy a participé le 20 octobre dernier, au salon des jeunes entrepreneurs international de Montréal. Est-ce votre façon d’internationaliser votre marque ?
Notre objectif, c’est d’être présent dans le monde entier, au même niveau que les autres marques. Mathydy est déjà internationale, c’est dans cette logique que nous participons à ce salon.
Quelles sont les sommets vers lesquels vous voulez porter Mathydy dans les années à venir ?
Un jour, Mathydy sera citée au même titre que Cartier, Rolex ou Louis Vuitton. Ce sont des entreprises centenaires qui ont eu suffisamment le temps de développer leur expertise et leur business. Quelle entreprise Africaine a 100 ans ? Mathydy travaille à exister au fil des générations. Mais pour l’instant, nous ne prévoyons pas de levée de fonds. Nous nous sommes toujours autofinancés et espérons continuer sur cette lancée. Nous avons zéro dette et on a de quoi s’en réjouir. Le chemin le plus facile, c’est de s’endetter tout de suite, avoir du cash et se lancer. Mais celui le plus enrichissant, c’est de construire sa réussite pièce par pièce, d’y aller jusqu’à la limite de ses capacités et de découvrir qui on est réellement.
De votre expérience, quels conseils avez-vous à donner à ceux qui hésitent encore ou qui attendent que tout soit parfait avant d’entreprendre ?
Nous n’aimons pas donner des conseils comme si nous savions tout. Par contre, nous pouvons donner notre avis qui peut ne pas s’appliquer à tout le monde. Pour nous, entreprendre, c’est avant tout une expérience humaine avant d’être une question de connaissance technique ou de pratique, encore moins une question d’argent. Car, quels que soient les moyens à votre disposition, si émotionnellement et psychologiquement vous n’êtes pas prêts à faire face aux imprévus, aux difficultés… vous échouerez.
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Tout est dans la tête et c’est une question d’état d’esprit. Il faut d’abord croire en soi, à ses capacités, être positif et ne se donner aucune limite. On n’a pas besoin d’être riche pour entreprendre, même avec 1000fcfa, on peut y arriver. L’essentiel, c’est d’y croire et peu importe les difficultés rencontrées, on y parvient. Ensuite, être super diplômé ne sous-entend pas qu’on connaît tout. Le monde de l’entreprenariat ne s’apprend pas à l’école, ou presque pas. Pourquoi les diplômés sont toujours aussi étonnés de voir quelqu’un qui n’a pas fait l’école réussir en affaires ? Allons réfléchir à cette question.