Autodidacte assumé, Jerry Sinclair Aguénoukoun, Béninois de 33 ans, se dit libre penseur et passionné d’innovation et de défis. « J’ai foi depuis ma jeune enfance, en l’Afrique et au Bénin. Et je reste persuadé que chacun de nous y a un rôle à jouer, dont il ne faut pas se défiler. »
Si son rêve de footballeur est étouffé par la pesanteur parentale, sa témérité le hisse au rang des acteurs clés de l’entrepreneuriat et l’innovation digitale au Bénin. Au compteur, plus d’une décennie de métier chez MTN-Bénin et promoteur du premier média panafricain Infos & Divertissement 100% Digital et 100% réseaux sociaux, Waka-Waka. Récit d’un homme passionné, d’un homme à idées, d’un Innovateu.
Magazine InAfrik : Vous avez une riche expérience avec le géant des télécoms au Bénin MTN, avec lequel vous travaillez sur différents volets. Comment avez-vous intégré cette prestigieuse organisation ?
Jerry Sinclair Aguénoukoun : J’y suis arrivé dans la plus grande transparence. Un test de recrutement, un entretien ensuite et je suis retenu pour un stage de 3 mois. Juste après cette période, l’employeur m’a proposé un CDI que j’ai accepté. J’ai commencé par le service client, aujourd’hui je suis en charge du Marketing de la section Business qui s’occupe essentiellement des services aux entreprises, de l’élaboration des solutions métier… Ça fait 13 ans que je suis là.
Quelle plus-value avez-vous apportée à son essor digital dans le pays ?
Je pense qu’au-delà de toutes les micro-actions que nous avons menées à l’endroit des abonnés, surtout en termes de démocratisation d’internet et des smartphones, je garde en mémoire le premier concours national de développement d’application qui a été un véritable catalyseur pour le marché.
Cette initiative dont j’étais l’un des porteurs a fait naître rapidement une émulation au sein de l’écosystème qui était, avouons-le, embryonnaire. C’est à partir de cet instant que les jeunes se sont dit : « nous pouvons y croire. »
Qu’est-ce qui explique votre passion sans pareil pour le numérique ?
Très jeune, j’ai été attiré par l’électronique. Je réparais déjà les postes radio et autres baladeurs à la maison et vers 10 ans, j’ai connu mes premiers jeux vidéo, les consoles se sont enchainées et je pense que depuis lors, je reste très attaché à cet environnement.
Plus tard, j’ai découvert que le numérique présentait d’innombrables perspectives. Et pour un pays comme le Bénin, c’est une chance de pouvoir saisir la Nième perche. Les technologies numériques réinventent littéralement notre société en investissant progressivement tous les domaines de notre vie quotidienne et tous les secteurs de l’économie.
De l’innovation médicale à la mobilité, en passant par la communication, l’industrie, la sécurité, le traitement de l’information, le développement des loisirs… le numérique révolutionne nos manières de produire et d’interagir avec notre environnement. Vous voyez bien que c’est naturel d’en être passionné (sourire).
Selon vous, comment le Bénin peut-il faire du digital un véritable levier de développement durable ?
Les gouvernants doivent investir prioritairement dans l’infrastructure et la formation. Ce n’est plus acceptable que l’enseignement du numérique soit un luxe dans notre système éducatif.
Ensuite, il faut une politique d’accompagnement des initiatives entrepreneuriales. Le gouvernement n’a pas à se substituer aux organisations qui animent l’écosystème, mais doit constituer un support de choix pour elles. Le Bénin a tout pour se positionner comme pays de services. Et pour que ça aille plus vite, le digital est une clé majeure.
Pouvez-vous nous pitcher Centrale Waka-Waka ?
Centrale Waka Waka est d’abord un état d’esprit. C’est ensuite une boîte à idées qui est la racine de toutes mes initiatives. Tout sort de là.
Pourquoi avoir pris le risque il y a un an de créer une radio digitale, malgré l’instabilité et le faible taux d’accès à internet des peuples ?
En tant que jeunes, on voulait prendre la parole à l’époque avec l’intime conviction qu’internet pouvait nous aider à aller plus vite. L’idée de la Webradio était lumineuse et nous savions déjà que seuls, nous ne pouvions y arriver.
Il fallait dans notre contexte, un partenariat avec les opérateurs GSM pour des forfaits multimédias incluant notre URL, mais cela n’a pu être possible. Les auditeurs étaient obligés de consommer de lourds volumes pour se connecter longtemps à la radio malgré toutes les gymnastiques techniques que nous fîmes pour alléger l’accès à notre site. Parfois, il faut juste comprendre qu’avoir raison trop tôt, c’est avoir un peu tort.
A l’heure du bilan, vos objectifs de départ sont-ils atteints ?
En partie oui ! Certains objectifs ont été atteints. Mais celui sur lequel nous avons vraiment peiné, est relatif au temps moyen que pouvait passer chaque auditeur en ligne.
Nos statistiques affichaient 5 min par auditeur, ce qui n’est pas intéressant pour un annonceur. Du coup, comment espérer gagner de l’argent ? Aujourd’hui, nous avons un nouveau type de média qui n’a de vie que sur les réseaux sociaux.
Nous sommes le premier média panafricain Infos & Divertissement 100% Digital et 100% réseaux sociaux. Nous produisons des vidéos thématiques sous-titrées et en musique pour rendre digeste l’information.
Nous restons un espace participatif de libre expression et un outil de communication pour les annonceurs. Notre parti pris est clair : plutôt que de faire le combat du trafic vers un site, il vaut mieux apporter l’information aux consommateurs là où ils sont déjà présents (Facebook, twitter, YouTube, instagram…)
Centrale Waka-Waka, c’est aussi la mode avec votre marque de vêtements « Jerry Sinclair. » Quelle est votre spécialité ?
Oui ! Je dessine les modèles de la marque Jerry Sinclair depuis 2013. Je produis des ensembles tenue locale et je suis focalisé haut du marché, haut de gamme. Du coup, mes pièces ne sont pas à la portée de tout le monde.
Par mois, nous sommes en moyenne autour de 25 pièces sans publicité. Aujourd’hui, nous développons notre présence dans certains cercles people au Cameroun, au Congo et en Martinique.
Votre marque de boisson Cococups fait son bonhomme de chemin. Parlez-nous-en !
Nous produisons essentiellement du Tchakpalo et du Adoyo deux boissons locales issues de fermentation du maïs. Nos boissons ne sont pas dans le commerce. Nous sommes positionnés « événements de foule » (stades, foires, concerts, croisades…)
Quelle est votre politique de production à grande échelle de Cococups ?
Nous sommes davantage sur les foires et autres festivals. Très rapidement, nous voulons rentrer dans les stades et devenir un partenaire de choix. Pour accroitre la productivité, il faut avoir des marchés cibles et mettre les équipes au travail.
Le Bénin offre très peu de perspectives car nous n’avons pas beaucoup de grands événements ici. Je commence par penser qu’il faut explorer d’autres environnements, surtout que nos boissons sont connues de toute la sous-région sous différents noms.
Pour vous qui êtes un visionnaire des métiers du numérique, que regrettez-vous aujourd’hui de tout le tapage que suscite ce secteur ?
On fait plus de bruit qu’on ne travaille. Et je continue de dire à qui veut bien l’entendre qu’il ne suffit pas d’avoir exercé chez Google à un obscur poste pour prétendre gérer l’économie numérique d’un pays.
Nos dirigeants doivent faire attention dans leurs choix et faire confiance à la jeune génération. Il y a des talents et de la compétence locale. Il faut les détecter, les écouter et les fédérer.
Le secteur du numérique est porteur d’emploi. C’est un levier important de la croissance et de la compétitivité des pays. En principe, les politiques ne devraient pas jouer avec.
Il y a une rumeur qui vous annonçait à la mairie de Cotonou. Où en sommes-nous ?
Effectivement, je suis soutenu par un jeune lobby qui connait ma vision pour la ville de Cotonou. Mais croyez-moi ! Je me donne encore un peu de temps. La vérité, c’est que tous ceux qui se sont succédé à la tête de la municipalité jusqu’à nos jours, ont péché.
Si en tant que jeunes et visionnaires, nous ne prenons pas nos responsabilités, nous verrons, sous nos yeux, tout s’écrouler et nous laisserons nos enfants dans l’abîme. Je n’en dirai pas plus.
Avez-vous un conseil aux entrepreneurs numériques ?
Je dirai aux entrepreneurs de toutes les catégories, de tenir bon. Les difficultés font bien partie des règles du jeu. La foi, le travail et parfois ce petit brin de chance…c’est comme ça que naissent les success stories. RDV au sommet !