Incubateur de porteurs de projets innovants, Incub’Ivoir a été lancé en Côte d’Ivoire en février 2016. Son président et cofondateur Hermann Christian Kouassi est avant tout, analyste financier et consultant en intelligence économique. Ce repat de la trentaine révolue a tout misé sur le coaching, la formation et la mise en relation des start-ups en Afrique afin de développer un écosystème émergent d’ici quelques années.
Magazine InAfrik : Quelle philosophie émane de la création d’Incub’Ivoir ?
Hermann Christian Kouassi : J’ai créé Incub’Ivoir avec mes deux associés, sur la base d’un même constat fait par chacun d’entre nous. Lorsque j’ai décidé de tout abandonner en France, avec une certaine qualité de vie, pour monter mon premier cabinet de conseils en Côte d’Ivoire, les choses n’ont pas bien tourné. Pendant toute une année, j’ai vainement essayé d’avoir des marchés. J’ai dû tout laisser et repartir dans le salariat en France. C’était pareil pour mes associés qui, en 2014, sont revenus en Côte d’Ivoire pour créer leur entreprise mais elle n’a pas prospéré. De ces expériences qui ont été des échecs, pour nous, c’était plutôt une prise de conscience pour aider d’autres personnes à ne pas emprunter le même chemin.
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Quel est le processus d’incubation chez Incub’Ivoir ?
Incub’Ivoir accompagne les porteurs de projets dans toute la partie conception de leurs idées. Nous les coachons pour leur permettre d’avoir les atouts d’un entrepreneur, ne pas naviguer à vue et surtout, leur inculquer le fighting spirit, la vision de l’entrepreneur et l’abnégation au travail. C’est ce que nous faisons à travers des ateliers et sessions de coaching et de pitch. Ensuite, nous développons une communauté d’entrepreneurs autour de certaines thématiques. Nous créons un réseau d’entrepreneurs qui permet aux uns et aux autres de se connaître, connaître leur environnement, savoir ce qu’ils font chacun afin d’avoir une vision globale et un réseau fort.
C’est cela qui permettra à chaque entrepreneur dans son domaine ou lorsqu’il est à l’étranger de pouvoir compter à un moment donné sur une communauté qui existe. Enfin, nous faisons la mise en relation avec des acteurs financiers. Aujourd’hui, 80% des start-ups en Afrique recherchent des financements pour lancer les business units. Nous essayons d’accompagner ces entrepreneurs vers des sources de financement. Un entrepreneur n’est pas seulement celui qui a une idée mais celui qui, au-delà d’une idée, a une vision, un rêve et qui est le leader d’une nouvelle génération.
Les startuppeurs de l’incubateur Incub’Ivoire
Sur quel business model reposent vos activités ?
Incub’Ivoir a un business model assez particulier. Suite à un appel à projet, nous accompagnons gratuitement les entrepreneurs pendant deux ans en termes de coaching, formation et mise en relation. A partir de ce concours, nous sélectionnons les meilleurs qui bénéficient d’un accompagnement. Pour la première promotion, nous avons retenu huit porteurs de projets que nous accompagnons. Après 24 mois d’accompagnement, nous portons l’entrepreneur et sont projet devant des investisseurs pour lever des fonds. A partir de ce moment, nous devenons actionnaire avec 6 à 10% du capital sur une période allant de 5 à 8 ans.
Nous avons lancé l’appel à projet pour la deuxième promotion qui est en cours. L’innovation cette année a été de faire une caravane nationale d’appel à projet et une session à Paris pour aller à la pêche des entrepreneurs de la diaspora. Nous sommes à l’étape de présélection des porteurs de projet et la finale aura lieu en octobre dans la capitale politique Yamoussokro.
Pourquoi aller à la pêche des entrepreneurs de la diaspora ?
Pour moi, la diaspora africaine est la sixième région d’Afrique. Les envois des migrants en Afrique dépassent l’aide au développement. Il faut pouvoir compter sur cette diaspora pour non seulement apporter un nouveau souffle à l’entrepreneuriat, mais aussi permettre aux entrepreneurs locaux de pouvoir avoir des débouchés. C’est un pont afin de pouvoir faciliter le retour de cette diaspora, qui n’est pas toujours évident. Enfin, mes associés et moi sommes issus de cette diaspora là.
Les sources de financement demeurent un casse-tête pour les start-ups en Afrique, quelles solutions ?
En Afrique, la question du financement est très récurrente parce qu’il n’y a pas de dispositions législatives pour faciliter l’accompagnement des jeunes entrepreneurs, mais le problème est mondial. Dans le cas de l’Afrique, il faut créer un environnement économique sain. C’est-à-dire légiférer sur comment une start-up ou une PME peut avoir accès au financement. Lorsque vous donnez de l’argent à quelqu’un, vous avez besoin de garantie pour minimiser le risque. Or en Afrique, il n’y a pas une réelle identification.
Un individu à qui on prête de l’argent peut disparaître du jour au lendemain sans qu’on ne retrouve ses traces. L’autre aspect, c’est qu’il y a un vide juridique sur comment doit se faire l’accompagnement des entreprises. Aujourd’hui, il y a le crownfunding qui est un financement participatif en vogue en Europe. Or, c’est une stratégie de mobilisation de ressources qui se fait naturellement en Afrique à travers les tontines et les soutiens financiers de la famille. Si les Etats africains légifèrent sur le crownfunding, on sortira de ce problème de financement.
Cotonou a accueilli du 05 au 08 juillet dernier, l’Africa Start-up Tour dont vous étiez l’un des jurys. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
L’Africa Start-up Tour est un très bon modèle d’intégration des marchés des communautés et surtout des porteurs de projets qui viennent de différents pays, qui ont différentes visions mais qui se retrouvent pour parler de l’entrepreneuriat. C’est un très bel événement à encourager et à promouvoir. A Cotonou, il y a un engouement au niveau des porteurs de projets. Ce qui prouve que l’entrepreneuriat en Afrique ira en grandissant.
Hermann Christian Kouassi, président & cofondateur d’Incub’Ivoir
En tant qu’expert, quelles erreurs reprochez-vous aux start-ups en Afrique ?
Beaucoup de start-ups africaines restent dans leurs maisons et pensent que leur idée est géniale. Lorsque vous avez une idée, allez sur le terrain pour savoir si elle pourra être réalisable. C’est la première des choses pour voir quel est le retour que le marché peut faire sur votre idée. Ensuite, les leaders et les managers de beaucoup de start-ups en Afrique ne se forment pas pensant que l’entrepreneuriat est facile, au contraire. Il faut pouvoir se former, c’est très important. Enfin, lorsque vous êtes un entrepreneur et que vous voulez entreprendre, entreprenez avec vos propres moyens. Ne pensez pas que des individus viendront vous donner leur argent sans que vous-mêmes vous n’ayez fait vos preuves.