Avant d’être ce que lui-même appelle « social e-entrepreneur », Fidégnon Adé Agbowaï est titulaire d’un parchemin en développement et en implémentation de programmes de formation en ligne. C’est d’ailleurs grâce à cette qualification qu’il a travaillée deux années durant avec la coopération Allemande en tant qu’expert en développement et en implémentation de programmes de formation en ligne auprès du Global campus 21 au Ghana, au Kénya et en Ethiopie. Bien outillé, Fidégnon Adé Agbowaï retourne sa veste pour devenir partenaire de la GIZ en créant en 2014, le Cabinet d’Ingénierie en E-Learning CIEL. Le double demi-finaliste au programme YALI et CEO de la start-up d’e-exchange Ipaaro partage avec nous, son expérience d’entrepreneur.
CEO Magazine : Pourquoi avoir quitté de la coopération Allemande pour fonder le cabinet CIEL ?
Fidégnon Adé Agbowaï : En réalité, j’ai quitté le statut d’employé pour celui de partenaire. Après avoir démissionné de la coopération Allemande, j’ai créé le cabinet CIEL spécialisé dans le développement et l’implémentation de programmes de formation en ligne. Je me suis lancé dans cette expérience afin de pouvoir vendre autrement mon expertise et m’ouvrir à d’autres opportunités.
L’entrepreneuriat a toujours été un risque parce qu’il vous ouvre un horizon super large, comparé à un emploi rémunéré, fut-il confortable. L’emploi rémunéré vous conditionne et vous limite dans un couloir que vous devez suivre, selon les exigences de votre employeur. Vous avez beau avoir de bons salaires, de bonnes conditions, vous ne pourrez jamais développer votre potentiel, vous ne pourrez jamais l’expérimenter comme dans l’entrepreneuriat. C’est le goût du risque et de la découverte d’autres horizons qui poussent à aller en entrepreneuriat.
Investir dans votre domaine de compétence, n’est-ce pas une façon d’implémenter vos acquis antérieurs ?
Entreprendre dans son domaine de compétence, c’est la meilleure façon de limiter les risques. Il faut prendre des risques certes, mais il faut prendre des risques calculés. Quand on fait ce qu’on sait faire le mieux, ce qui passionne, on a plus de chances de réussir. En amont, j’ai une expertise avérée que j’ai pu bâtir auprès de la coopération Allemande. Me lancer en tant qu’entrepreneur dans le même domaine me permet de continuer une collaboration en tant que partenaire de la GIZ, d’expérimenter d’autres horizons et lancer des projets ouverts au grand public. En effet, j’ai remarqué que l’horizon du e-éducation n’était pas vraiment connu au Bénin, alors qu’il est la panacée face à tous les maux qui minent notre système éducatif et de formation. C’est alors une façon pour moi d’apporter ma pierre à la démocratisation du savoir et de la connaissance dans mon pays et dans les pays francophones de la sous-région.
Pouvez-vous nous en dire plus sur CIEL ?
CIEL se définit comme le Cabinet d’Ingénierie en E-Learning. Nous donnons des formations payantes en anglais, en yoruba et nous organisons des Massive Open Online Course (MOOC) qui sont des cours à accès facile et illimité en ligne. L’accès aux formations est gratuit et ouvert aux apprenants de toutes les couches sociales. Cela permet de pouvoir délivrer le savoir, qu’importe la position géographique de l’apprenant. C’est aussi une cause citoyenne. Nous donnons des formations pratiques et certifiées en anglais, sur une période de trois mois, essentiellement basées sur le talking. En dehors de cela, nous avions organisé des formations en e-marketing, community management et dans les nouveaux métiers dérivés de la révolution numérique.
Que faites-vous pour faciliter l’accès à vos formations ?
C’est vrai que nous rencontrons de nos jours, des difficultés d’accès à internet mais la formation a ce côté pragmatique qui permet, de la suivre en présentielle ou en différé. Ensuite, nous n’avons pas développé un site internet pour la formation. Cela pourrait être plus lourd et nécessiterait une bonne connexion internet pour y accéder. Nous avons voulu être pragmatiques en passant par des canaux qui existaient déjà à savoir : Skype, Whatsapp et Facebook. C’est notre façon de simplifier la formation en ligne.
Comment accéder à vos formations ?
Pour accéder à nos formations, il faut y manifester un intérêt. Nous offrons des formations professionnelles continues aussi bien à des particuliers que des entreprises à travers leurs employés. Autrement dit, nous avons des formations sur-mesure selon les besoins des entreprises. Nous lançons souvent des formations de façon périodique et selon les besoins de formation que nous décelons. Ensuite, nous communiquons énormément sur les réseaux sociaux et nous enregistrons ceux qui sont intéressés. Enfin, ils paient les coûts de formation et nous les programmons.
Quel est l’avenir du e-learning en Afrique ?
Le e-learning, c’est un passage obligé. C’est vrai qu’en Afrique, on a cette habitude de ne pas anticiper les crises, on attend d’avoir le dos au mur avant de réagir. Nos gouvernants tardent à s’approprier cette nouvelle approche d’éducation qui a été validée par l’UNESCO. Aujourd’hui, on est dans un système éducatif perpétuellement en crise et on a beau essayer des solutions autres que la formation en ligne, on ne pourra jamais les juguler. Encore une fois, je pense que la formation en ligne est la panacée face à tous les maux qui minent notre système éducatif et de formation.
Vous êtes également CEO de la start-up Ipaaro. Quel est votre gage de réussite pour une application mobile dédiée au e-exchange ?

Fidégnon Adé Agbowaï
Je considère le troc comme une cause identitaire propre à l’Afrique mais aussi comme une cause humaniste qui fait le pont entre les gens qui échangent leurs besoins en mettant en valeur les ressources (biens ou services) dont elles regorgent. Nous venons d’essuyer une crise économique mondiale dont la conséquence majeure est la baisse du pouvoir d’achat. Face à ce constat, il urge d’adopter un système économique alternatif afin de rétablir un certain équilibre social et de ralentir la paupérisation. D’où j’ai pensé réinventer le troc grâce à la technologie mobile, secteur dans lequel l’Afrique enregistre la plus forte croissance. Et notre slogan le traduit si bien : « IPAARO, plus fort que le pouvoir d’achat. »
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Quels sont vos objectifs avec IPAARO dans les cinq prochaines années ?
IPAARO aspire à détrôner Facebook sur le continent africain dans le domaine des échanges en ligne (troc et vente) ainsi que des petites annonces. En effet, Facebook s’est égaré de son objectif premier qu’est le réseautage social pour se transformer en une sorte de centre commercial. Nous nourrissons l’ambition de convaincre tous les africains de troquer leurs biens et services ainsi que de vendre et d’acquérir à coût accessible tout ce dont ils ont besoin. IPAARO se veut l’instigateur de la libéralisation des échanges sur le continent afin de vaincre le mythe du pouvoir d’achat et par conséquent de la paupérisation. IPAARO se veut le pont entre les couches sociales en ce sens que chaque couche a des ressources (biens ou services) à faire valoir.
Que vous inspire votre nomination au Tropics Change Makers Award ?
C’est un honneur pour ma modeste personne. C’est le fruit du travail acharné, du focus et de la persévérance dans mon entreprise au quotidien.
Quelle est votre pensée motivante en tant qu’innovateur ?
Regarder ce que la plupart des gens font et faire exactement le contraire.
En tant qu’entrepreneur, quel est votre principal trait de caractère ?
L’obsession dans la quête et la réalisation de mes rêves les plus fous.
Quels sont vos leitmotiv en tant que jeune entrepreneur ?
Mes leitmotiv se résument à l’imagination sans bornes et à la passion pour tout ce que j’entreprends. L’imagination sans bornes parce-que je la considère comme source inépuisable de créativité et par conséquent plus importante que la connaissance qui, elle, est limitée. C’est comme rêver en blanc et noir alors qu’on a la possibilité de rêver en 10 dimensions. Au fond, si vos rêves ne font pas rire les gens, c’est qu’ils ne sont pas assez grands. La passion en ce sens que c’est l’unique sentiment qui vous permet de vous dépasser. Sans passion, le génie peine à s’éclore et il est difficile de se démarquer. Sans cela, il n’y a point d’authenticité.
Quelles sont les perspectives ?
On continue de travailler et de développer d’autres modules de formation dans des domaines qui s’avèrent cruciaux et en phase avec la révolution numérique. Il y a assez de nouveaux métiers qui peuvent professionnellement doper les jeunes à se prendre très tôt en charge. C’est ce qui explique le fait que nous offrons des formations qualifiantes de courtes durées permettant à l’apprenant d’acquérir le maximum de connaissances en peu de temps, et de pouvoir se vendre très rapidement sur le marché de l’emploi.